Quand on parle d’Originalité
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ombien de fois n’entend-on pas ces mots lors de la critique d’un livre, d’un film, bref d’une création artistique : « Oh ! Comme c’est original » ou alors « Pouah ! Quelle daube, aucune once de créativité ni d’originalité, une histoire mille et une fois ressassée ! »
Cela est d’autant plus amusant, lorsque, parfois et même souvent, ces deux expressions tout à fait opposées sont utilisées pour une même œuvre par des personnes différentes. Très vite cela devient une gageure pour les départager, et trouver « objectivement » lequel des deux groupes a raison, lequel a tort.
Pour faire simple, il faut donc commencer par définir ce qu’est l’originalité :
« Caractère de ce qui est original, nouveau »
Définition quelque peut redondante, mais comme nous voulons aller au bout des choses, cherchons donc la définition d’« original » :
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Voici donc en gros les définitions du dictionnaire, et l’on comprend tout de suite d’où provient la difficulté. En effet, l’on fait objectivement appel à la subjectivité de chacun pour juger de la chose. Puisque ce n’est que par rapport à ses expériences et ses antécédents que tout celui qui analyse l’œuvre décide de son originalité ou pas.
Pour quelqu’un ayant vu des films de ninjas, un ultime film sur ce thème lui paraîtra forcément moins original qu’il ne le sera pour un autre ne connaissant que les films d’action américains par exemple, etc.
Ainsi, le secret de l’original, réside dans la qualité qu’une œuvre a de surprendre son auditoire. Et l’on n’est surpris que par l’inconnu. Or, le fait de ne pas connaitre une chose fait-il que cette dernière n’existe pas ? Non évidemment, ou alors oui, mais seulement du point de vue de la personne qui ne connait pas. L’originalité dépend donc des connaissances, autant celles de l’auteur que celles du lecteur.
Mais pour en revenir à la surprise, ce qui est vrai, en tout cas, c’est que plus le nombre des « surpris » est important plus l’acceptation commune — d’originalité — se confirmera sur le sujet, même s’il existera toujours certains récalcitrants, bien dans leurs droits, par ailleurs, pour contester, haut et fort, que rien n’est nouveau dans l’œuvre adulée.
Avec cet ensemble, l’on se rend compte très vite que l’originalité sera aussi fonction des cultures, des tendances, de la mode, et surtout, de point de vue. Quelqu’un qui vient vous parler des droits de l’homme en plein obscurantisme du moyen âge sera sans doute un original— malgré le fait que Jésus de Nazareth, bien des siècles auparavant, prêchait l’égalité des maîtres et des esclaves — alors qu’il ne l’est plus en cette aube du vingt-et-unième siècle.
Pour donner un exemple concret, considérons ceci.
Avec la recrudescence de l’exploration des œuvres d’Héroïc Fantasy dans les années 90 et les débuts 2000, il est devenu tout à fait évident que parler actuellement d’Elfes et de Nains relève semblablement de l’obstination stérile d’un auteur en manque d’étincelles inspiratrices. Cela tout simplement parce que les sujets ont été revus, et même corrigés, avant d’être parodiés. Bref, une énième histoire de lutte du Grand Bien contre le Grand Mal, avec une abondance de héros divers, chacun possédant son propre inéluctable destin !
Personnellement, je pense que l’originalité ne devrait pas être limitée aux thèmes abordés, mais s’étendre aussi à la manière dont ils sont abordés. D’ailleurs, beaucoup pencheront pour dire que c’est là et seulement là que réside toute originalité, puisque les thèmes, m’enfin, sont toujours et irrémédiablement les mêmes. L’univers étant un cycle sans fin, rien ne se perd ni ne se gagne — ici encore j’aime penser que malgré l’apparence cyclique des choses, il existe tout de même des nouveautés qui viennent changer la donne. C’est sans doute encore une fois mon esprit optimiste qui ne veut pas croire au prédéterminisme, cependant qui peut sur la gigantesque échelle de l’existence, infirmer ou conformer cette assertion !
Fin de la parenthèse.
Avertissement pour vous lecteurs, spectateurs, auditeurs, vous, enfin, qui êtes les destinataires finaux de toutes œuvres artistiques…
Un simple conseil à la prudence, lorsque vous tombez sur une quelconque critique d’œuvre et lisez ces mots : « un ouvrage très original, vaut le détour » ou encore « une pièce bancale, sans originalité aucune ». Souvenez-vous simplement que celui qui a écrit cela, importent ses titres et son expériences, est un homme, une femme, tel que vous. Et que cette analyse n’est faite d’abord que par rapport à son point de vue, nécessairement biaisé en comparaison au vôtre — vos antécédents étant différents. Il ne faudrait donc pas systématiquement écarter quelque chose en ayant foi à ces seuls arguments.
Avertissement pour vous auteurs, acteurs, locuteurs, vous, enfin, qui êtes les destinateurs initiaux de toutes œuvres artistiques…
Une question peut donc venir naturellement à tout auteur soucieux de son travail : « S’il est si difficile d’être original, pourquoi alors se tourmenter, puisque l’on ne sera jamais original que pour une partie ? Ce ne sera jamais l’unanimité ! »
« Cela ne sera jamais l’unanimité ! » est une affirmation que je crois vraie. Et je pense qu’un auteur ne devrait pas s’inquiéter plus que de raison de l’originalité, sacrifiant peut-être jusqu’à l’intérêt de l’histoire pour tenter de positivement acquérir cette qualité, au risque de tomber dans les travers du genre (nous allons rester en Fantasy) :
« Le Zorblog activa le mizuri qui acheva l’Ultan. En effet, cette race d’immortels ne pouvait supporter la lumière du jour ! »
Vous voyez ce que je veux dire !?
Chercher à raconter une histoire de manière honnête, juste pour le plaisir de partager un moment est déjà suffisant. Désirer voguer loin des sentiers battus est quelque chose d’honorable et à encourager, mais il ne faudrait pas le faire simplement parce que sinon l’on dirait que vous n’êtes pas original. S’il faut le faire, alors faites-le pour vous et pour le plaisir que vous y prenez, en restant authentique avec votre esprit. Ce plaisir et cette authenticité finiront sans doute par payer, et feront, peut-être, votre originalité…
Très humblement,
Votre serviteur, Alsem le vent, récolte la tempête !?