Il soupire, cœur criblé de lamentations
Ciel obscur, irisé, en pleine agitation
Autant que les pensées au bord de sa conscience
Pourquoi lui, et tant de larmes ?
Pourquoi un destin dénué de charmes ?
Seules les souffrances, sans répit, sans insouciance
Il aurait préféré une once d’ignorance
Une naïveté rafraichissante
Havre sous un signe de tolérance
Illusion suggestive, indépendante
Il éructe un cri bref lointain
La douleur est atroce
La demande, féroce
Il ne sera pas libre demain
En lui, plus rien, juste une étrange impatience
Fugace, éphémère, presque allégorique
Et cela est d’autant plus fâcheux,
D’autant plus réel qu’il ne sait en toute assurance
Si le désir impérieux, catégorique
Qui en son cœur a taillé l’immense creux
Ne serait que l’expression inévitable
D’une puissance transcendante
Mais pourtant, irrémédiablement
Sujette à la race humaine, prérogative ineffable…
Telle une malédiction, sa mémoire
Oppressante ainsi qu’une ultime montagne
Gorgée de détails qui s’appesantissent avec hargne
Véritable tapisserie façonnée par les Moires
Qui résume son existence en un seul instant suspendu
Fresque horrifique d’un artiste halluciné
Il revoit son enfance comme sur écran ciné
La rage de son père, la tristesse d’une mère attendrie
Puis l’époque des maladies et d’une sœur qui se meurt
La succession irréfragable des peurs
Si jeune, et déjà si intime avec la Mort
Si accoutumé aux regrets, aux châtiments, aux remords
Puis vint l’adolescence, le temps des premiers amours
Mais l’Ananké acharnée ne lui offre qu’un faux semblant de bonheur
Il éructe un cri, plus long que le précédent
Une complainte ultime saturée d’amertume
Un défi, contre cette sombre machination, coutume
Qui l’instaure en impossible, étrange martyr
Il souhaite, espère, simplement partir
S’en aller vers une rive imaginée
Loin de cette existence coupable
Lieu béni, paradis improbable
Tel le sursaut d’un rêve inachevé…