Noveling Life

Univers D'Un Apprenti Conteur – Alsem WISEMAN

Aube Rouge

2 juin 2015

Kasaï[1] haletait.

Il avait en effet couru toute la nuit sans vraiment faire de pause. Sa peau noire, tannée par le soleil et la rudesse du climat, suait à grosses gouttes. En temps normal, il ne se serait pas autant maltraité. Mais il avait parcouru tellement de forêt et sans toujours avoir le choix de sa route qu’il avait fini avec la moitié du corps éraflée. Les démangeaisons lui faisaient souffrir le martyre.

Les yeux injectés de sang, il épiait de gauche comme de droite avec une frénésie induite par la panique. La Chose qui le traquait provenait du monde des esprits, et il s’étonnait qu’il ait réussi à y échapper jusqu’ici. Mais encore combien de temps allait-il pouvoir tenir ? Sa poitrine était aussi brûlante qu’une fournaise, et ce n’était pas l’air ambiant, lourd d’une chaleur humide, qui allait l’aider à reprendre son souffle.

Il repartit pourtant. Se servant de sa sagaie ainsi que d’une béquille, il se fraya un chemin parmi l’enchevêtrement des lianes et de toute cette folie végétale.

Il était silencieux.

Proie en cet instant, pour autant l’instinct du chasseur ne l’avait pas entièrement déserté.

Après une demi-heure de marche modérée, les battements de son cœur se stabilisèrent, et il sentit même un peu de force lui revenir. Peut-être trouverait-il une grotte ou quelque autre abri afin de pouvoir se reposer un moment, manger quelque chose avant de reprendre sa route vers l’inconnu. Mais il n’eut pas le temps d’y penser bien longtemps, le Kimburumbutu [2] venait de hurler sa frustration. Un cri horrible qui sembla déchirer la forêt et qui raviva instantanément la peur dans notre homme, qui pourtant ne manquait pas de courage.

Il entreprit de courir à nouveau, courir éperdument. Des hypothèses s’échafaudaient dans sa tête puis s’écroulaient, toutes inutiles. Il n’y avait aucun moyen d’échapper à cet Être. Et l’affronter était folie tout simplement. Kasaï courait donc, bien conscient qu’on l’aurait à l’usure. Mais n’est-ce pas cela l’espoir de l’homme ? Celui de mourir demain en place d’aujourd’hui ?

[1] Le ‘s’ malgré le fait qu’il soit entre 2 voyelles se prononce comme un s et non comme un z.

[2] Se lit Kimbouroumboutou : être légendaire qu’un maître sorcier peut invoquer sur quelqu’un. Chasseur implacable, souvent appelé dans notre monde pour assouvir des vengeances. L’Histoire montre aussi que plus d’une fois, il a été l’instrument des puissants dans leur assujettissement des plus faibles !

Archives De Nouvelle Terre!!!!!!!!!!!!!

7 octobre 2014

A venir bientôt, au format epub, mobi, pdf et peut-être audio (si d’ici là j’ai recupéré ma voix), la première entrée dans l’ensemble de nouvelles Archives De Nouvelle Terre:

# 01 Messire Akhem Kanté

Teaser :

 » Quelque chose de sombre se trame à Cerventem, et je m’en vais découvrir laquelle. Si je ne reviens pas, vous serez à trois mieux armés pour déjouer et dénoncer ce qu’il se cache derrière cet artifice macabre. Des personnes de pouvoir ont commandité la mort de mon fils ainsi que le massacre de sa famille. Je souhaite savoir pourquoi. Je souhaite qu’ils paient pour cela. Même si rien ne me fera revenir les miens. « 

Rois Du Monde #1, Même Pas Mort! – Jean-Philippe JAWORSKI

1 octobre 2014
Même Pas Mort

Même Pas Mort

J’ai découvert Jean-Philippe JAWORSKI, il y a quelques années déjà avec son roman/recueil de nouvelles Janua Vera, et c’était juste une tuerie. Pour le coup, quand j’ai su qu’il avait publié la suite des aventures de Benvenuto Gesufal avec Gagner La Guerre, je me suis bien entendu jeté dessus et pour mon plus grand plaisir tant cet auteur possède l’art et la manière.
Son écriture riche n’est pas pour autant prolixe, l’aventure est à la fois épique et lyrique. Il y a à la fois de l’action et de la pensée, si je puis dire ^_^. Franchement pour ceux qui ne connaissent pas, il vaut vraiment le détour.

Avec la série rois du monde qui paraît toujours chez l’éditeur moutons électriques, l’auteur nous livre quelque chose de nouveau, de différent, et de toujours aussi prenant.

Synopsis :

Je m’appelle Bellovèse, fils de Sacrovèse, fils de Belinos. Pendant la Guerre des Sangliers, mon oncle Ambigat a tué mon père. Entre beaux-frères, ce sont des choses qui arrivent. Surtout quand il s’agit de rois de tribus rivales… Ma mère, mon frère et moi, nous avons été exilés au fond du royaume biturige. Parce que nous étions de son sang, parce qu’il n’est guère glorieux de tuer des enfants, Ambigat nous a épargnés.
Là-dessus, le temps a suivi son cours. Nous avons grandi. Alors mon oncle s’est souvenu de nous. Il a voulu régler ce vieux problème : mon frère et moi, il nous a envoyés guerroyer contre les Ambrones. Il misait sur notre témérité et notre inexpérience, ainsi que sur la vaillance des Ambrones. Il avait raison : dès le début des combats, nous nous sommes jetés au milieu du péril. Comme prévu, je suis tombé dans un fourré de lances. Mais il est arrivé un accident. Je ne suis pas mort.

Mon avis :

Nous sommes dans un univers celte et l’on vit avec et parmi les mythes et les légendes. D’ailleurs les frontières ne sont pas si bien définies que ce soit entre mythes et réalités, qu’entre rêve et état d’éveil.
L’écriture, encore une fois riche, est presque organique tant elle peut-être vivante mais aussi allusive. Le verbe est tour à tour savoureux, caustique, inquiétant…
L’auteur utilise le principe (dont je ne connais pas malheureusement l’équivalent en français) de l’ « unreliable narrator » : un narrateur qui peut fournir des informations floues, contradictoires et mêmes trompeuses ou en tout cas qui peuvent induire à l’erreur. Cette forme elliptique et non linéaire du récit pourrait gêner certains lecteurs, mais pour moi elle a ajouté une profondeur à l’ensemble.
Même pas mort est le premier tome d’une trilogie, vivement la suite !

Note : 8.5/10

The Powder Mage Series – Brian MCCLELLAN

14 septembre 2014

Je n’ai pas été aussi agréablement surpris en fantasy d’action depuis Brandon SANDERSON. Pour l’instant, il y a deux livres publiés Outre-Atlantique sur les trois de la trilogie, et je trouve que l’auteur a su trouvé le ton juste pour raconter son histoire.
L’intrigue est construite autour du Field Marshall Tamas, un haut gradé militaire qui, pour des raisons tout autant profondément personnelles que d’État, décide de mettre fin à l’ère monarchique pour établir une république.
Il va sans dire que cette révolution se déroulera dans le sang. Si cela ne répugne pas particulièrement au maréchal. Toutefois, l’homme puissant et ambitieux, qui croyait avoir tenu compte des imprévus pour se parer des incertitudes, sera contraint d’admettre qu’on ne peut pas en une nuit arriver à bout des intrigues multiples et diverses qui font la vie d’une cours.
On y retrouve donc une fantasy militaire qui serait très familière à ceux qui connaissent la série The Malazan Book of the Fallen de Steven ERIKSON, mais également et de manière assez surprenante pour moi, une espèce de polar grâce au personnage d’Adamat, un détective privé engagé par Tamas pour élucider quelques éléments de mystères.
La série se lit facilement, puisque l’auteur possède un style direct et très vivant qui plonge le lecteur directement dans le récit.
D’ailleurs j’ai lu les deux tomes d’une traite tant la continuité est évidente et l’histoire haletante. C’est vraiment une série qui vaut le détour. A cette heure, je ne sais pas si un éditeur français en possède déjà les droits et projette de le traduire.
Promise of Blood (The Powder Mage #1)

Promise Of Blood

The Crimson Campaign (The Powder Mage #2)

Crimson Campaign
Note: 8.5/10

Prophète

12 juin 2014

De ses lèvres, les mots tombent, avec force et fracas.
Le voilà qui titube d’un jaillissement d’ivresse ;
Il est seul que la rime parvient à mettre en liesse.
L’idée n’est point la forme, c’est là tout le tracas.

Le poète, le prophète, armé de son houka,
Nargue ses congénères du fond de sa détresse.
Entre rires et larmes, se mesure sa hardiesse
Et sa mélancolie, son ultime prédicat.

Il est un habitant des époques lointaines,
Qui s’engonce et se frustre des lois contemporaines.
Il sait sa lutte vaine et d’autant plus précieuse.

Point de vérité première dans cette réalité :
La poursuite du sens ? Quelle folie audacieuse.
Aussi il se calfeutre dans sa lucidité.

Ton monde…

21 novembre 2012

Ton monde me tue.
J’y respire pourtant.
J’y trouve plus de joies que je ne pourrais dénombrer.
Ton monde me tue.
Et c’est mon grand regret…
J’aurais voulu ne rien avoir à reprocher.
Depuis combien de temps remontent mes dernières larmes ?
La vigueur de mon corps dément celle de mon âme, qui à petit feu se meurt, dépérit telle une flamme trop longtemps étouffée.
Ton monde me tue, comme ta méchanceté, élevée comme par mégarde au rang de loi et de vertu.
Tu ne sais plus que penser, aussi nies-tu le Sens.
Ton éternelle quête t’aurait-elle donc blasé ?
Je sais le découragement, je sais la frustration.
Mais aucune raison n’existe pour que tu cesses cette tâche des plus sacrées.
Ton monde me tue, par manque de profondeur ; je me noie dans le vide qui partout m’environne.
Mon quotidien se délite en journal télévisé, tout aussi insipide et semblablement lointain.
Le malheur de l’autre ne me touche plus à force.
Un peu comme les “bonjours” que l’on dit sans penser.
Sans penser, sans ressentir, les remords se dissipent.
Que reste-t-il de moi ?
Je suis pris dans l’engrenage d’exigences matérielles.
Certaines choses, je le fais sans plus savoir pourquoi.
Cette routine absurde qui me réduit l’horizon, qui dénigre ma raison…
Cette routine, c’est ton monde.
Mon triste frère, mon reflet !

Mélopée

20 novembre 2012

Et si ce chant de guerre, cette litanie barbare,
Irrite tes préférences, augmente ton amertume,
Sache, très cher, que ta peine est de la mienne une part.

Ce serpent ancestral qui de mort accoutume,
Ce dragon millénaire d’universelle coutume,
Aujourd’hui encore détruit notre innocence.

Pour autrui, l’homme toujours devient une violence ;
Peu importe l’époque, cette manie s’exhume,
Se révèle à nous-mêmes d’un visage gangrené.

Par nos propres actions, l’horreur renouvelée
Nous malmène et nous guide, nous démets de nos choix.

Ironiquement, ce chant, rassurant notre émoi,
Devient notre seule gloire, notre pire fantaisie.

Car dans ce cri puissant, lancé tel un défi,
Réside un deuil profond, ineffable et inouï.

Des droits et … des devoirs

24 septembre 2012

Il y a quelques siècles déjà que l’on dit : « L’homme est un loup pour l’homme. »
Je ne suis pas certain que cette expression face justice au loup. Néanmoins, le contact est clair, aujourd’hui encore l’homme reste le pire ennemi de son semblable.
Le mépris qu’il possède pour son prochain est si grand qu’il n’a d’égal peut-être que sa bêtise. À l’ère du numérique, des nouvelles technologies de l’information et de la communication, on est toujours bien loin de la communion, du dialogue et de la recherche de compréhension de l’autre. Carré chacun sur ses positions, on se cache derrière des concepts et des idées qui font mode sans vraiment chercher à résoudre les problèmes multiples de nos sociétés.
Je ne sais combien de fois, j’ai entendu parler ces derniers mois des droits de l’Homme. Je les pleins presque ces droits tant on en use et en abuse, qu’on les vide de leur essence. Par ailleurs, je ne peux m’empêcher parfois de songer : « À quand la conception de la charte universelle des devoirs de l’Homme. »
Bien entendu ce n’est en soit qu’une boutade et non une solution.
Cela dit, je ne peux m’empêcher de constater que le respect, mieux, l’estime pour autrui est une valeur dont on a réellement besoin aujourd’hui. Ce n’est certes pas quelque chose que l’on impose, mais c’est certainement quelque chose qui s’apprend. Pour être vrai, il doit venir de soi comme une main ouverte tendu vers l’autre…
Cela apporterait sans doute du sens dans un monde en pleine collision culturelle avec une humanité qui semble piquer une crise d’adolescence…

Against All Things Ending – Last Chronicles Of Thomas Covenant – Stephen R DONALDSON

17 août 2012

Voici quelques années que j’ai découvert l’univers de Stephen R DONALDSON et plus particulièrement celle des Chroniques de Thomas Covenant, et c’était pour mon plus grand bien car cela me changeait de la fantasy que je lisais alors (TOLKIEN, David GEMMELL, R.A. SALVATORE).

Ce qui m’a tout de suite frappé, étant apprenti écrivain, c’est bien sûr le style de l’auteur. Un style particulier que j’affectionne énormément même si je pense qu’il ne sera pas la tasse de thé de tout le monde. En tout cas, il ne laissera personne indifférent. D’ailleurs je suis tombé sur plusieurs critiques qui faisaient le même reproche à l’auteur, celui d’écrire dans un style cabalistique comme pour montrer ou démontrer qu’il en sait des choses : du genre il aurait une encyclopédie pour oreiller, ^_^

Néanmoins, par rapport au monde de Thomas Covenant, je trouve que son style sert particulièrement à l’histoire, et aide à créer une atmosphère de réalité féerique. Il arrive vraiment à mettre le lecteur dans un état d’esprit où il vit vraiment avec les personnages et les accompagne dans leurs pérégrinations.

Les Chroniques de Thomas Covenant s’étendent sur environ 30 ans d’écriture et formeront à leur conclusion dix volumes répartis comme suit:

  •  The Chronicles of Thomas Covenant the Unbeliever
    • Lord Foul’s Bane (1977)
    • The Illearth War (1978)
    • The Power That Preserves (1979)
  • The Second Chronicles of Thomas Covenant
    • The Wounded Land (1980)
    • The One Tree (1982)
    • White Gold Wielder (1983)
  • The Last Chronicles of Thomas Covenant
    • The Runes of the Earth (2004)
    • Fatal Revenant (2007)
    • Against All Things Ending (2010)
    • The Last Dark (sortie prévue 2013)

Ce qui est ironique, est que j’ai découvert l’univers de Thomas Covenant avec la sortie du premier tome des dernières chroniques (jusqu’ici ce sont celles que j’ai les moins appréciées). À l’époque je m’étais dit que pour bien faire les choses, je pourrais tout aussi bien commencer par le début. Je me procurai donc deux omnibus, regroupant chacun une chronique. Je les ai dévorés en moins de deux semaines…

Captivé par l’univers, où se déroule l’histoire nommé simplement « The Land » traduit par « Le Fief » dans la version française, qui joue presque le rôle d’un personnage à part entière et par l’anti-héros qu’est Thomas Covenant, j’ai de suite mis DONALDSON au rang de mes auteurs favoris. Il faut bien dire que la prémisse est intrigante, elle est d’ailleurs ainsi présentée dans le premier tome :

Un homme réel – selon les critères par lesquels nous définissons la réalité – se trouve soudain retranché du monde et transporté dans un environnement physique inconcevable : les sons y possèdent un arôme, les odeurs une couleur et un relief, les images une texture et les attouchements un timbre. Une voix désincarnée l’informe qu’il a été amené là pour devenir le champion de sa sphère d’origine. Il doit se battre en combat singulier contre le représentant d’un autre monde. S’il est vaincu, il mourra et son univers sera détruit parce qu’il aura prouvé son incapacité à survivre.

Le héros décide qu’on lui ment. Il affirme qu’il est en train de rêver ou d’halluciner et refuse de livrer un duel à mort en l’absence de danger avéré. Il se montre implacable dans sa détermination à réfuter sa position apparente et ne se défend pas lorsqu’il est attaqué par son adversaire.

Question : cet homme fait-il preuve de courage ou de lâcheté ?

Telle est l’interrogation fondamentale de l’éthique.

Lord Foul’s Bane – La Malédiction du Rogue

 Cela dit, même si je n’ai pas eu à attendre comme l’on sans doute fait les fans de la première heure pour découvrir les dernières chroniques. Je dois reconnaître que j’ai du mal à retrouver dans celles-ci les émotions qui m’avait traversé lors de la lecture des deux premières. On dirait que l’auteur manque de peu l’accès au sommet qu’il avait atteint avec les deux premiers opus. Pour l’instant Against All Things Endings se classe comme le moins bon de ceux qui forment les dernières chroniques, mais la fin était d’une si bonne qualité que je ne peux qu’attendre impatiemment la sortie du dernier tome. Et je garde l’espoir qu’il viendra assouvir mes attentes par rapport à cette histoire incroyable !

Pour ceux qui sont intéressés, il y a une très belle édition avec les trois premiers tomes réunis en un seul chez le Pré Aux Clercs : Les Chroniques de Thomas Covenant

Note: 8/10

 

Principe de l’être (working title)

9 juillet 2012

Il y a quelques semaines j’en parlai en passant d’un petit projet SFFF de poésie épique qui je joue le rôle d’intermède dans ma rédaction du roman INTIKA. Eh bien, il a bien avancé, mais est loin d’être fini.

C’est une épopée en cinq actes qui raconte l’histoire de Karas, un samouraï des temps modernes confronté à l’adversité et à ses propres cauchemars.
Son chemin sera-t-il celui de la rédemption ou bien consacrera-t-il sa perdition ?

L’histoire se déroule dans un univers post-apocalyptique où l’humanité a à la fois régressé et évolué. Les enjeux sont capitaux puisqu’il s’agit de savoir si elle parviendra à se maintenir et finira-t-elle par disparaître par autodestruction.

Je vais vous proposer ici le premier acte (il n’est pas définitif, il pourrait beaucoup évoluer et différer de la version finale du projet !) qui fait office d’introduction à cet univers mais surtout à Karas, le protagoniste. Vos retours sont bien évidemment toujours les bienvenus.

Bonne lecture !

Principe de l’être


Acte I – La fin du monde n’aura pas lieu

La violence du couchant siégeait dans son esprit,
Rage impétueuse et sombre n’ayant point de partie.
Dans le regard perçant de ce guerrier capable,
Un soulèvement muet, un feu irréfragable.

Il possédait une peau imprégnée de minuit.
Sur son visage austère, la sagesse de l’ennui,
Le discernement des choses imbues de vanité.
Il vivait en un siècle plein de futilités.

Balafre à la tempe droite, pommettes hautes et saillantes,
Crâne dégagé, corps sculpté, mains calleuses d’épéistes,
Karas était un homme qui forçait le respect,
Vivant dans une époque où la vigueur comptait.

Après que les ressources s’avérèrent rarissimes,
Après que l’intolerance fit son lot de victimes
Suite aux guerres de survie ainsi que d’oppression,
Surgit un nouvel ordre à la proue des nations.

La féodalité connut une résurgence ;
Des quotidiens régis par la crainte, la violence.
Dans les cités-états, les princes des connaissances
Abjuraient la morale, l’éthique et la conscience.

Maniant les privilèges, exultant de fureur,
Ils se permettaient tout, au détriment d’autrui,
Justifiant l’esclavage dans son abjecte horreur.
Nombreux étaient les pauvres, les sots, les asservis

En amont de ce schisme, une ultime invention
La brillante confection des capsules nucléaires
Des modules d’énergie, à la simple gestion,
Néanmoins à l’usage facilement délétère…

Dans la cité de Karas, la stable Erliza,
Les choses étaient moins glauques, le Cénacle des Sages
Veillait à modérer les malheurs de cet âge.
Pourtant l’iniquité même ici s’érigea !

Sur ces pensées sombres, le rogue guerrier s’attardait.
Restait-il en ce monde un lieu-félicité ?
Elisa et Camille, et même ce pauvre André
Je ne peux me résoudre à les voir trépasser…

Ainsi à petit feu, ainsi tels des joyaux
Dont la lumière s’éteint, ainsi tel un noyau
Putréfié par l’exil de sa propre nature :
Nous sommes tels des chiens qu’on a mis en pâture.

Il tenait quelque chose, ne savait pas laquelle
Assoupi sur son sabre, les muscles endoloris
Il sourit un moment, recentra son esprit :
La pratique de l’escrime, régler une vieille querelle.

Il lui fallait songer de prosaïque manière :
Le visage d’un Koryk qui se roulait par terre
Lui porta un sourire, celui-ci plus cynique
Voilà un peu de paix, fut-elle épisodique !

Voilà ! Me concentrer sur une chose à la fois.
Ne songer à demain, demain se suffira.
Karas se rappelait des jours d’avant la fin
Avant que la folie n’embrasa les confins,

Champignons radioactives, paysage subtil
Dans sa cruauté induite ainsi que explicite.
La Grande Guerre, l’Ultime Guerre, si elle le fut seulement !
Les hommes ne s’instruisent guère de leurs déraisonnements.

Avant-elle le ciel était bleu, et la terre, verte
Brune, orange et ocre. Il songeait à la perte
De tous ces chromatismes que la petite Camille
Ne connaîtrait jamais, malgré sa verve fertile.

Ayant envahi terre, ciel, et esprit, le gris
S’attachait à toute chose telle une infecte moiteur
Sa perfide corrosion ne mit nul à l’abri
Jusqu’à ce que la vie n’eût plus aucune saveur

Voici c’est l’amertume, un goût de cendre en bouche
Et malgré l’embrasement des étreintes sur la couche
Un sens d’inassouvi, une impression de perte
Une impression de mort, un soupir qui ne s’arrête

Le dernier souffle est une lente agonie qui dure
L’éternité, et rend les souvenirs impurs.
Car chacun des moments vécus avec les siens
Est jonché de souffrance, miné par un déclin;

Une fin omniprésente, une décadence sans fin.
Une chose dans l’air ambiant, ou peut-être dans l’eau
Un poison à l’ouvrage rendait certains divins
Tandis que la plupart devenaient des idiots

Karas ainsi perdit le reste de sa fratrie
Il ne lui restait plus, que sa belle et sa fille
La jolie Elisa et leur petite Camille
Et la carcasse d’André, ce pauvre cher ami.

L’attaque le prit de court, impétueuse et brutale
Les gardiens de la Crypte, vaillants compagnons d’armes,
Tombaient de tous côtés tels des mouches en cavale.
Découpés, transpercés par de tranchants guisarmes,

Atomisés lorsque les chefs des maraudeurs
Usaient sur eux les Ragnirs, fléaux des dieux,
Vestiges de la Grande guerre, ces pistolets odieux
Avaient pour munitions les capsules nucléaires.

Karas n’en revenait pas toute fois qu’il y songeait
C’était comme si on donnait en jouet à l’enfant
L’énergie d’un soleil dans son pouvoir ardent.
Mais pour l’heure le guerrier, dans la mêlée tranchait.

Et d’estoc, et de taille, il frappa l’ennemi.
En ce sublime instant, il redevint Le Glaive,
Le soldat légendaire qui mit fin au Conflit
Il déploya sa fougue, son talent et sa verve.

Mais les rôdeurs étaient simplement trop nombreux
Avec effroi Karas se trouva encerclé
Sans plus d’échappatoire, pour Elles, juste une pensée
Pardonne-moi, Elisa, ils sont justes trop nombreux !

Mais un cri de colère s’échappa de sa bouche,
En lui l’irréductible ne voulait point se taire.
Ce n’était pas ainsi qu’il mordrait la poussière :
La promesse à sa fille, sa volonté farouche…

Cela ne suffit pas à le faire prévaloir.
Le Glaive, laissé pour mort, mordit bien la poussière.
C’était un familier de la misère de guerre,
Héros des causes perdues et de l’acte de déchoir.

De ce dernier combat, il ne se remettrait pas.
Aussi, vois-tu, lecteur, s’il est temps de pleurer
C’est maintenant, cher lecteur, car un héros s’en va
Le héros c’est son coeur, lorsqu’il est écoeuré…

Non, je ne cherche pas un leurre, je suis triste et c’est tout.
Je suis triste et je pleure de la plaie de Karas.
Éveillé bien après, une nécropole partout
Où portait son regard. Et l’horreur le terrasse.