De mon expérience d’écriture dans l’imaginaire, je me souviens encore de la découverte de cette joie, cette exubérance de la création de nouveau monde.
Bien sûr le simple fait d’écrire est un acte de création qui ouvre la porte à d’innombrable possibilités, toutefois le genre imaginaire donne un sentiment en prime qui pourrait vite, si l’on n’y prend pas garde, s’apparenter à de l’ivresse. Tout de suite, vous vous dites sans doute que j’y vais peut-être un peu fort, non ?
Je m’explique : le fait de donner libre cours à son imagination sans nécessairement appliquer les contraintes du réel (de notre monde sensible) explose les possibilités d’une manière telle que cela peut donner le tournis. En cela sans doute réside la force, mais également la faiblesse du genre. Et cela, bien entendu engendre des écueils pour tout scribouillard de l’imaginaire qui se respecte.
À ce propos, je voulais justement m’intéresser à un phénomène particulier qui est ce qu’on appelle dans le jargon en anglais le « worldbuilding » traduit littéralement par « la construction de monde ». Je ne sais pas s’il existe un terme exacte en français, mais cela se rapporte au processus de création de l’univers dans lequel va évoluer l’histoire et les personnages qui font l’objet de notre récit.
J’ai découvert plus ou moins récemment trois écrivains anglo-saxons dont les livres m’ont réellement scotché, mais dont les « worldbuilding » ont joué un très grand rôle dans ma manière de les départager par rapport à la satisfaction personnelle que j’ai tirée de leur ouvrage.
Toute d’abord, Brian MCCLELLAN, avec sa serie Powder Mage Trilogy avec un concept assez originale de système de magie basé sur la poudre à canon. Chez Mclellan, le worldbuilding est sommaire, le récit est avant tout centré sur l’action et sur des personnages charismatiques dont les relations sont tout simplement explosives. Du coup, on a affaire à un style terriblement efficace, ici on ne s’attarde pas sur des descriptions éternelles de tel ou tel endroit, tel ou tel vêtement etc. Pourtant, le verdict est que je suis resté sur ma faim. On a manqué de frôler la perfection parce qu’il manquait justement une certaine profondeur au récit, parce qu’on est allé trop vite en besogne. Je n’ai pas eu le temps de sentir, de toucher, d’explorer de manière satisfaisante le monde dans lequel évoluaient les personnages. C’est un peu comme si on avait un film d’action génial construit sur un fond blanc, le décor n’étant pas suffisamment posé.
Ensuite avec Mark T. BARNES, on est dans l’autre « travers ». Au début, j’ai pensé avoir affaire à un xième émulateur de Tolkien. Ici le monde créé est foisonnant et on reçoit trop d’informations en un très court laps de temps. Cela affecte bien entendu le rythme du récit. Il s’agissait d’une trilogie, et terminer le premier tome a vraiment été difficile. Toutefois, en tournant la dernière page de la trilogie, Echoes Of Empire, je sentais déjà une forte nostalgie surgir en moi à l’idée de ne plus accompagner les personnages dans leurs aventures et leurs combats. Il résultait également autre chose, un peu moins subjectif si je puis dire, une impression de complétude, de cohérence face à cet univers que je venais de visiter et qui possédait une forte tangibilité parce que l’auteur en avait dévoilé plusieurs recoins et qu’on devinait que ce n’était néanmoins qu’un pan levé sur un monde plus vaste encore.
Enfin avec Brian STAVELEY, un autre Brian ^_^, et sa trilogie, Chronicle Of The Unhewn Throne, j’ai eu l’impression de trouver un équilibre par rapport aux deux approches que j’ai décrites plus tôt. Chez les trois auteurs, personne ne pêche en originalité, ni même en exploration des personnages, ni en intrigue non plus. C’est vraiment au niveau de l’exploration de leur univers, de la manière dont il le présente -que s’est fait la différence- : n’en dire presque rien, distiller au fur et à mesure les informations ou spammer le lecteur avec un torrent d’éléments.
Si j’ai le temps, je me pencherai prochainement sur la cohésion de l’univers du récit dans le « worldbuilding »